Posté par eqconews, le 17 avril 2022
C’est plus de 1500 milliards de francs CFA de marchés publics réservés aux projets à fort impact social (routes, ponts, écoles, hôpitaux, logements, eau, bâtiments publics, etc.) par l’État et les partenaires au développement, qui auraient été distraits par des hauts fonctionnaires véreux.
Par Yann Essabe
Ça y est ! La Cour d’appel de Paris a finalement annulé le 5 avril 2022, la décision qui condamnait en 2019 l’État gabonais à payer 90 milliards en sus des 11 milliards de francs CFA d’intérêts de retard au groupement Santullo, du nom de son propriétaire, l’Italien Guido Santullo, décédé le 27 août 2018 à 82 ans à Gaeta en Italie. Si l’État peut se réjouir d’avoir épargné à ses caisses, une centaine de milliards, la récurrence de ces plaintes dans les tribunaux internationaux de commerce, masque un système de pillage et de prédation des fonds publics à partir des marchés publics la plupart du temps passés de gré à gré. Mieux, ces « affaires » dévoilent surtout les dysfonctionnements qui gangrènent le fonctionnement de l’État.
Après ce succès judiciaire, ce serait naïf de croire que tout va bien dans le meilleur des mondes désormais. Que nenni ! Le ver est encore dans le fruit. Et la mécanique qui entretient ce système de prédation demeure tapie au cœur du système.
Dans l’affaire Santullo, des marchés publics lui ont été accordés sans appels d’offres. On parle de plus de 700 milliards de france CFA de 2010 à 2013. Présenté au Chef de l’État par ses proches collaborateurs en 2010 à Paris et alors que le nouveau Président avait hâte de transformer le pays, Guido Santullo s’était porté garant pour préfinancer les chantiers sans attendre la quote-part de l’État.
Le sherpa à l’origine de la rencontre aurait récolté au passage 50 000 euros de rétro-commissions, soit près de 34 millions de francs CFA. Et la République entière va se retrouver aux pieds de Santullo. Au point où, pour aller vite et contourner l’écueil de la voie régulière des passations des marchés et du circuit financier dont le ministère du Budget et le trésor portent le sceau, les clercs d’Ali Bongo Ondimba vont créer, en 2012, l’ANGTI, qui verra ses missions renforcées avec, notamment, la possibilité de s’endetter au nom de l’État chez les financiers (bailleurs de fonds). Du jamais vu.
En 2015, Santullo sera agacé par des retards récurrents de paiement côté gabonais, au point que le Chef de l’État demandera un audit de tous les chantiers du groupe Sericom aux ministres directement concernés. Rien ne sera fait. Courroucé, et ne faisant plus confiance à son entourage, Ali Bongo Ondimba va créer une cellule d’enquête anti-corruption à la présidence de la République qui lui rendra compte directement en 2016. Cette cellule sera dirigée par le colonel Arsène Emvahou, son aide de camp à l’époque. Elle portera le nom de Mamba.
Les sommes astronomiques détournées vont conduire les enquêteurs de Mamba et de l’Agence judiciaire de l’État (AJE), dirigée par Huguette Nyana Ekoume, en Suisse, en France et dans des paradis fiscaux insoupçonnés. La purge qui s’en est suivie est connue. Les autres affaires ont suivi la même trajectoire (absence d’appels d’offres, conventions de gré à gré, règlements manuels etc.). Notamment Eurofinsa chargée de restaurer le stade Omar Bongo et la route de la Nationale 1 pour 90 millions d’euros (plus de 60 milliards de francs CFA).
L’accord signé avec l’État aurait coûté 36 milliards de francs CFA en échange de juteuses rétro-commissions et coûté son poste à un ministre des finances. L’affaire ENKA sur les logements sociaux, tout comme Webcor, la société maltaise qui devait construire le grand marché de Libreville en 2010, vont se révéler être des énormes filouteries. En 2022 et au moment où l’on s’apprête à entamer 2023, est-on épargné par de tels esclandres ?
Ces scandales questionnent surtout la responsabilité des personnes publiques et des hauts fonctionnaires en charge de signer des conventions et marchés publics qui ne garantissent nullement les intérêts de l’État en échange d'énormes rétro-commissions disproportionnées. Le retard de l’Émergence a désormais un visage : la corruption endémique. En effet, si pour Karl Marx, « La religion est l’opium du peuple », au Gabon, « La corruption et les détournements de fonds sont la gangrène du développement ».
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18/04/2022 à 11:10
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